Sur la photo, on remarque le ballon de basket qui flotte vers le panier, d’abord.

Puis, en y regardant de plus près, on voit un jeune homme, de dos, soulevé par un groupe de garçons, ses amis.

Le ballon flotte au-dessus du groupe.

Le jeune homme soulevé par ses amis a les bras à la verticale. On devine qu’il vient de lancer le ballon, vers le panier.

Il s’appelle Jonathan Dutil. Jonathan est atteint d’un cancer du cerveau. Stade 4, le stade ultime, celui duquel les chances de revenir sont… minces.

Jonathan, oui, est diminué par la maladie. Cognitivement, physiquement. Le cancer peut isoler les malades.

Or, c’est ici que la photo recèle une beauté inouïe, qu’elle incarne une solidarité tout aussi inouïe : Jonathan, malade, n’a jamais été seul dans la maladie.

C’est Mireille Bruneau, la directrice adjointe de l’école, qui m’a contacté pour me raconter « la beauté et l’humanité » qui entourent Jonathan depuis des mois, à l’école et hors de l’école, depuis l’annonce de son cancer.

Quand Jonathan a commencé à perdre ses cheveux en octobre 2023, ses boys ont rasé les leurs. Sur trois périodes de dîner, à l’école, une vingtaine de jeunes sont passés sous le rasoir.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE GOFUNDME JONATHAN DANS SA BATAILLE CONTRE LE CANCER

Quand Jonathan a commencé à perdre ses cheveux, ses amis ont rasé leur tête par solidarité.

Quand il a commencé à avoir de la difficulté à marcher, c’est une bande élargie d’une vingtaine d’adolescents dans leur école de la Rive-Sud qui se sont relayés sans relâche pour pousser son fauteuil roulant à l’école…

Parce que Jonathan n’avait pas envie d’arrêter l’école.

Et quand ses yeux et ses oreilles ont commencé à lâcher, parce que la tumeur pousse sur les nerfs optiques et auditifs, ses amis ont été ses yeux et ses oreilles, en classe, lui expliquant ce que les profs disaient, lentement.

J’ai parlé à Mme Bruneau. J’ai parlé aux parents de Jonathan, Sonia Desbiens et Jean-François Dutil. J’ai parlé à quatre amis de Jonathan, Victor Gendron, Étienne Jourdain, Loïc Bouffard et Jacob Gosselin…

Mireille, évoquant la photo dont je vous parlais en début de chronique : « [Avant les Fêtes], en marge d’un tournoi de basket, ils l’ont soulevé pour qu’il puisse faire des paniers, comme quand il jouait. Ils lui ont fait un album, avec des photos, avec des messages de soutien… »

Sonia : « Il y a une meute qui s’est constituée autour de Jonathan. Ils aident le loup blessé, ils l’aiment. On sent que c’est naturel, chez eux. Et c’est mutuel, le bien qu’ils se font : en prenant soin de leur ami, ils se font du bien. »

Jean-François renchérit : « J’arrive chez Dario, un ami de Jonathan, où il est attendu pour un party. Écoute, j’ai pas le temps de mettre l’auto sur “Park” que ses amis sortent de chez Dario. Ils sont 15, 20 ! J’ai pas le temps de détacher ma ceinture qu’ils sont déjà deux sur la banquette arrière, pour le détacher et l’aider à sortir… »

Et quand la meute a appris qu’il n’y avait plus de traitement possible pour guérir Jonathan, ils ont écrit à Sonia et à Jean-François : « Nous sommes réunis dans un local de l’école, on pleure, mais on ne va jamais le lâcher… »

Et ils ont tenu parole.

Jean-François émet un souhait, à ce stade de l’entrevue, que la directrice adjointe Mireille Bruneau avait elle aussi émis durant notre conversation : « C’est pour tout ça qu’on veut que le spotlight soit sur les amis de Jonathan, pas sur la maladie de Jonathan. »

À travers l’écran du Zoom, Sonia m’a tendu des kleenex : ça faisait longtemps que je n’avais pas braillé en entrevue.

Sonia : « Ils sont extraordinaires, mais j’ose dire que c’est parce qu’on attire ce qu’on est. Jonathan est un garçon extraordinaire. On sent que notre fils est entouré, aimé. Comme parents, c’est un beau cadeau : on sait qu’il laisse une trace. »

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Victor Gendron, Étienne Jourdain, Loïc Bouffard et Jacob Gosselin entourent Jonathan. 

Jean-François : « Tu sais, l’école est là pour enseigner les maths, le français. En aidant Jonathan, ses amis apprennent des choses tellement plus grandes, comme la bienveillance, comme le service. Ils font croître leur maturité émotionnelle, en s’occupant de Jonathan. Est-ce le rôle de l’école de faire ça ? »

J’ose répondre, monsieur Dutil : C’est aussi à l’école qu’on apprend tout ça.

J’ai parlé à Jonathan, qui dort beaucoup ces jours-ci, épuisé. La tête est toute là, même si l’élocution est difficile, même si ses parents lui répétaient lentement mes paroles, derrière l’écran.

Ses amis, dit-il, depuis un an, mais surtout depuis trois, quatre mois, lui ont fait le plus grand bien.

Ils me changent les idées. Ils sont toujours prêts à m’écouter, à m’aider. Je les aime beaucoup, c’est important d’avoir des amis à qui je peux faire confiance.

Jonathan Dutil

Samedi, c’était l’anniversaire de Jonathan Dutil. Et ce dimanche, il y aura une fête pour le 17anniversaire de Jonathan.

Comme dit Sonia, sa mère : « Il est ici, il est en vie. On profite de chaque instant. »

La famille sera là, aussi, au party. Jean-François, Sonia, bien sûr. Florence, sa grande sœur, la grande complice de Jonathan, y sera.

Sera présente, aussi, toute cette belle meute d’amis qui, depuis des mois, n’a jamais lâché Jonathan… 

Et c’est la grâce que je nous souhaite à tous, pour 2025 : d’être aussi bien entourés, appuyés et aimés que Jonathan l’est par sa meute d’amis.