(Syfia Grands Lacs/RD Congo) A Matadi, capitale du Bas-Congo, au sud-ouest de Kinshasa, une quarantaine de sourds-muets jadis marginalisés s’estiment valorisés en suivant les prédications faites en langue des signes. Cette initiative d’une église en encourage d’autres.
Ce dimanche de septembre à l’église Yhwh Sabaoth à Buima (commune de Matadi, au Bas-Congo), la prédication du pasteur est expliquée par un interprète en langue des signes, le langage des sourds-muets. « Le pasteur a insisté sur l’importance de la maison de Dieu, mais aussi sur son amour », résume dans sa langue Beni Sudikila. Ce sourd-muet fait partie d’une quarantaine d’autres. Il fréquente cette église depuis janvier. « Ici, au moins, je suis édifié. Ailleurs, je savais qu’ils priaient, mais je ne comprenais rien du tout », reconnaît en faisant des gestes pour se faire comprendre Vasco Futi, un autre sourd-muet.
C’est à la suite d’un reportage sur les difficultés qu’éprouvent ces personnes que le pasteur Armel Maboti a décidé de s’occuper d’elles. « C’est uniquement le salut de leurs âmes qui me préoccupe, assure-t-il. Puisque Dieu a donné à l’homme l’intelligence de connaître la langue des signes, je me suis décidé à prêcher cette catégorie qui ne parle pas ni n’écoute notre langage ordinaire. »
Pour communiquer et se faire comprendre, le pasteur a recours aux services de Paul Masandi, directeur d’Ephphrata, l’unique école du Bas-Congo qui forme les sourds-muets. Le pasteur et son fils de 11 ans ont par ailleurs, eux aussi, fini par apprendre la langue des signes.
Valorisés, les malentendants s’engagent
A la télévision, ses sermons sont toujours expliqués aux malentendants par un interprète. Une innovation qui lui a valu d’être primé début juillet par le collectif de journalistes de Matadi qui animent l’émission religieuse « Sondons les écritures ». Une délégation de l’ONG canadienne Journalistes pour les droits humains est aussi allée l’encourager. A la Radio télévision nationale congolaise (RTNC)/Matadi, Joseph Mbakulu, le directeur provincial, a déjà autorisé la présence d’un interprète au cours des émissions télévisées « pour atteindre les malentendants ».
L’importance ainsi accordée aux malentendants dans cette église les a valorisés et poussés à prendre des responsabilités. Certains sont devenus des chantres. Ce qui étonne plus d’une personne. « J’avais les larmes aux yeux la première fois que je les ai vus chanter. Je ne pouvais m’imaginer que des gens qui ne parlent pas puissent émettre des sons pour glorifier Dieu », témoigne Divin Nzita, un habitant qui a assisté aux journées de dédicaces organisées par cette église. Vasco et Beni, quant à eux, sont devenus des protocoles de l’église et aident les fidèles à mieux se placer. Mais le dernier cité veut aller plus loin. « Mon désir est de devenir pasteur et d’enseigner les entendants », s’exprime-t-il à l’aide de signes.
Les parents sont, eux, fiers du comportement qu’affichent dorénavant leurs enfants et les encouragent. « Mon fils reste désormais collé à la Bible et son attitude a beaucoup changé en bien », observe Suza, mère d’un sourd-muet. Le pasteur est en particulier heureux d’avoir convaincu un parent de ne plus emmener son fils auprès d’un prophète au prétexte que son handicap était lié à la sorcellerie… Face à la pauvreté des sourds-muets, il les invite à apprendre des métiers pour subvenir eux-mêmes à leurs besoins.